Doit-on dire « je ressens une grande tristesse? » ou « J’éprouve une grande tristesse? »

1/ Ressentir : quand il s’agit d’une sensation physique ou morale, agréable ou désagréable.

Mais ce verbe signifie aussi « avoir une vive conscience d’un état subjectif », comme dans cette sublime phrase de Proust : « Je ressentis devant elle ce désir de vivre qui renaît en nous chaque fois que nous prenons de nouveau conscience de la beauté et du bonheur » (Les jeunes filles en fleurs).

Notons que « se ressentir de qqch » a une connotation négative, puisque cet emploi pronominal signifie « sentir les conséquences d’un préjudice, d’un désagrément passé », d’où le substantif « ressentiment ».

2/ Eprouver : dans sons sens premier, signifie « mettre à l’épreuve », pour finalement aboutir à « Faire sur soi-même l’expérience, généralement forte ou profonde, d’une chose ».

On éprouve la robustesse de son corps lors d’un exercice physique intense, par exemple, ou la force d’une amitié dans un moment difficile, etc.

Eprouver un sentiment est de l’ordre de l’expérience personnelle, voire volontaire, le terme étant plus profond que « ressentir ». Le sentiment est intégré, digéré, et on peut supposer qu’il laissera des traces. Quand on ressent de la tristesse, c’est qu’on peut envisager qu’il se dissipe rapidement. Alors si on éprouve de la tristesse, c’est qu’elle nous met à l’épreuve, qu’elle nous envahit et probablement qu’elle nous modifiera. Mais par bonheur, on peut aussi éprouver de la joie. Et l’épreuve de la joie, c’est délicieux.